Accueil 9 Culture 9 Cinéma 9 Rétrospective Marlen Khoutsiev ( Page )

Rétrospective Marlen Khoutsiev

Dix films seulement en cinquante ans, allant de la fresque (deux œuvres de plus de trois heures) à la rencontre entre deux personnages : le parcours en apparence erratique de Marlen Khoutsiev accompagne et révèle « à quoi pense » l’histoire de l’URSS et de la Russie, avec au centre Le Faubourg d’Ilytch / J’ai vingt ans, qui a incarné l’esprit et les espoirs du dégel de 1956.

UN BAROMÈTRE POÉTIQUE DE L’HISTOIRE

L’activité de Marlen Khoutsiev, né en 1925 à Tbilissi (Géorgie), commence en 1956 et Nevetchernaia, toujours en production, a été entrepris en 2003. Cette intimité avec l’histoire commence dès son nom, acronyme de Marx et Lénine, et sa biographie : douze ans quand son père disparaît, seize ans quand éclate la guerre à laquelle, malade, il ne peut prendre part, son premier film réalisé l’année du « rapport Khrouchtchev » sur le culte de la personnalité.

GELS ET DÉGELS

Tournés aux studios d’Odessa, ses deux premiers films sont marqués par un refus d’enjoliver le contemporain. Les Deux Fédor (1958) surtout est une vision sans optimisme de la reconstruction après la victoire, portée par la figure tourmentée de Vassili Choukchine, futur grand cinéaste. Au lieu d’un sens proclamé du devoir, seule pèse la force des personnages, qui vont, au fil des films, définir une nouvelle forme de civisme : un thème qui « se développe à l’intérieur des matériaux concrets, de la vie quotidienne ». C’est à Moscou qu’il réalise en 1961-1962 Le Faubourg d’Ilytch, film phare sur les attentes de la jeunesse et les questions morales qu’elle se pose. Ce sont des années où la vie publique reprend ses droits, elle retrouve la poésie et la rue. Mais au-delà d’une illustration de ce moment, le film y trouve sa forme : un tournage en extérieurs qui donne à voir la capitale comme rarement, une chronique très structurée imposant un rythme ample, en fin de compte plus proche de La Dolce vita (version morale-soviétique) que de la Nouvelle Vague. En 1963, Nikita Khrouchtchev, qui a peu avant attaqué la peinture abstraite et critiqué les intellectuels, s’acharne publiquement sur Le Faubourg d’Ilytch : les jeunes qu’il montre sont « moralement infirmes, dépourvus d’idéaux », leurs pères n’ont pas de voie à leur montrer. « Non, la société ne peut pas se fier à de tels personnages. » Face à la parole du chef de l’État, Khoutsiev doit en partie retourner et remonter le film, qui sort – dans une version qu’il assume – sous le titre de J’ai vingt ans, après la chute de Khrouchtchev. Il ne sera restauré dans sa version première qu’en 1988. De fait, Khoutsiev et son héros croient bien au socialisme, ils s’opposent aux cyniques (dans ce rôle, une belle composition d’Andreï Tarkovski), aux égoïstes, aux délateurs. Serioja énumère les choses qu’il prend au sérieux : « La Révolution, l’Internationale, l’année 1937, la guerre, les soldats, le fait que presque aucun d’entre nous n’a de père. » Le sien est tombé au combat, et un peu plus tard, le dialogue entre le fils de vingt-trois ans et le père, mort à vingt-et-un, est un des grands moments polémiques et poétiques du Faubourg d’Ilytch. Mais le spectateur des années 1960 ne pouvait manquer de penser à d’autres circonstances, à d’autres pères disparus, comme celui du cinéaste, victime des purges en 1937.

Rétrospective Marlen Khoutsiev

par | 2 Mai 2017 | 0 commentaires

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Dans la même rubrique…

Rétrospective Alberto LATTUADA

Rétrospective Alberto LATTUADA

Alberto Lattuada est un réalisateur, scénariste, acteur et producteur italien avec un parcours d’une diversité éblouissante au sein du cinéma italien.