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Les dessins animés russes

« La peau de URSS »

Si l’ancienne chapelle de la rue de l’Arbat où œuvrait Norstein a été restituée aux autorités religieuses, une autre citadelle – l’Église de tous les saints, près de la Place rouge non encore reconvertie – demeure vouée, précairement semble-t-il, au culte de l’image par image. C’est dans ce temple vétusté où s’entassent, à cloche pied de l’abside au clocheton, des nuées de fidèles du banc-titre, que fut réalisé Putsch, un percutant brûlot perpétré en quelques nuits dans la fièvre des événements survenus en août 91, et diffusé sur nombre d’antennes. Mais les pirates du groupe Pilot, qui écument à tout vent – ils se sont distingués dans maints festivals avec des courts métrages d’auteurs – n’en doivent pas moins tabler sur de moins glorieuses prestations pour survivre.

Et galérer pour la télé. Un galion espagnol est en chantier (une médiocre BD catalane débitée en tranches de 13 épisodes de 22 minutes). La situation est loin d’être saine à en croire le timonier Tatarski : « Ici tout marche à l’envers » fulmine ce Falstaff broussailleux natif de Kiev, qui a perdu ses meilleurs compagnons partis chercher fortune à l’étranger (en Israël, aux USA). Inversement c’est de l’étranger que des affairistes déboulent en quête de sous-traitance (les tâcherons des antipodes devenant plus dispendieux), favorisant l’implantation d’un
« lumpen cartoonariat » à l’état sauvage.


Soyouz sous housse

Figure de proue plutôt défraîchie de feu l’animation soviétique, le vaisseau Soyouzmoukfîlm est fort encore de
300 permanents. Un effectif largement sous-employé à l’heure actuelle. L’État ayant considérablement réduit sa contribution, la production s’est raréfiée, passant de plus d’une quarantaine de titres à moins d’une dizaine ( actuellement.  Estimant avoir peu contribué à redorer le blason de l’entreprise en bradant son patrimoine (plus de 300 heures de programme) aux américains – « nous ne savions pas très bien ce que nous faisions » nous confie un responsable espérant renégocier le contrat – la direction espère réactiver son potentiel dans le concert européen « pour endiguer l’invasion californienne ». Le Californien, Roy Disney (le neveu de Walt venu tarer le terrain) aurait d’ailleurs tiqué, de manière rédhibitoire, en découvrant des Mickey modelés non homologués dans les rues de Moscou.


Des bottes de sept verstes

Sans plus attendre l’hypothétique rénovation d’un Soyouz trismégiste, sa reconstruction sans cesse différée, devenue légendaire (tel le déménagement des Trois sœurs
tchekhoviennes), sa reconversion déjà ébauchée en structures autonomes, ses plus fameux représentants préfèrent prendre le large. Après Norstein, Garri Bardine, (grand prix d’Annecy 91) pour Le loup gris et le petit chaperon rouge, a fondé son propre studio Stayer (l’Indéracinable), très loin du centre de Moscou dans un rustique espace de verdure bétonnée, avec une dizaine de collaborateurs.

Ensemble ils ont transformé un ancien labo en accueillante oasis (525 m2) avec des plantes vertes (et des plants de tomates). Deux plateaux opérationnels pour le tournage en volumes, d’autres départements aussi impeccablement équipés, dont une salle de projection. Ils comptent sur la publicité (le média le plus rémunérateur) pour survivre, sans négliger le film d’auteur. Bardine doit remettre à plus tard un projet qui lui est cher, Lechaim (A la vie), relatant l’épopée d’un groupe de musiciens très chagalliens dans un camp d’extermination, pour une nouvelle et primesautière escapade du côté de Perrault, plus conforme à l’attente de son producteur (français)…


Les émules du funambule

Le vétéran Fedor Khitrouk, artisan d’un renouveau artistique et stylistique dans les années 60 – son Histoire d’un crime et Film film film furent fêtés à Cannes comme à Annecy – ne désespère pas de la vitalité de ce pays qui se distingua très tôt dans ce domaine, avant même la révolution (artistique) dans la mouvance de Maïakovski et de Dziga Vercov. Avec aussi des moments de normalisation. Si l’originalité de certaines œuvres de l’âge d’or, conservées au Musée du cinéma de Moscou, fut donnée en exemple à Walt Disney par des admirateurs aussi éclectiques que l’architecte Frank Lloyd Wright, à l’opposé, les stakhanovistes de l’orthodoxie socialiste imposèrent (durablement dès la fin des années trente) des standards disneyens.

Le catalyseur Khitrouk, ce vétéran encore vert qui enseigne l’animation, s’initie aux nouvelles technologies en même temps que ses jeunes élèves.

Une même émulation émane d’Ukraine en Géorgie, d’Estonie en Lettonie, d’Ouzbékistan en Kazkhstan et d’autres républiques ex-satellites en proie à la bougeotte. A chacune d’elle de funambuler à sa manière, entre élan créateur et contraintes économiques.

Les dessins animés russes

par | 21 Mar 2000 | 0 commentaires

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