Le cabinet, a été minutieusement reconstitué. C’est là que l’écrivain faisait son courrier, qu’il créait les œuvres des dernières années et qu’il recevait ses amis.

« Le plus bel ornement de cette ravissante datcha était à coup sûr le cabinet de Tourguéniev au premier étage, vaste, haut, clair, où les tentures rouge foncé se mariaient avec les fauteuils massifs en bois noir, les chaises, le divan tapissés de maroquin rouge, la bibliothèque artistement ouvragée, le bureau du même bois noir, aux dimensions impressionnantes, couvert aussi de maroquin rouge. La lumière pénétrait de deux côtés. Trois fenêtres donnaient sur le parc et une, plus large, adaptée aux études de peinture, était percée sur la façade. De là s’ouvrait une vue sur la Seine, sur ses jardins fleuris et les coquets pavillons de la berge. A côté de cette fenêtre se trouvait toujours un chevalet avec un tableau commencé ou achevé.

La seconde fille de Mme Viardot, Claudie Chamerot, qui passait l’été avec son mari et sa petite fille chez ses parents aux « Frênes », s’occupait de peinture, et c’est pour elle qu’avait été aménagé dans le cabinet un coin d’atelier de peintre.

La journée aux « Frênes » commençait assez tôt. Ivan Serguéïévitch ne sortait pas de son chalet le matin; il se montrait rarement pour le déjeuner. Dans ce cas, il s’asseyait à l’écart et buvait seulement une tasse de thé fort. Le samovar était obligatoirement servi pour ce déjeuner.

Vers trois heures, à la fin des leçons de chant qui ne s’interrompaient même pas en été, nous nous réunissions généralement dans son cabinet. Claudie s’asseyait à son chevalet, je m’installais à une certaine distance, elle faisait mon portrait. Mme Viardot occupait une place près d’une table ronde avec quelque ouvrage, Marianne aussi ; quant à Mme Héritte, elle lisait à haute voix une œuvre fraîchement publiée de quelque écrivain anglais ou français. Je me souviens que la lecture portait, cet été-là, sur le gros roman de George Eliot qui venait de sortir, Daniel Deronda.

Ivan Serguéïévitch assistait souvent à ces lectures. Il était assis à son bureau; il écoutait parfois et faisait des observations, parfois il plaisantait, sur quoi Claudie ou Marianne sursautaient, le grondaient, l’obligeaient à se taire et s’écriaient:

bibliotheque.jpg « Voyons, Tourguel, – c’était là un surnom affectueux dont l’affublait la jeune fraction féminine de la famille Viardot – voulez-vous nous laisser tranquilles!… Nous voulons écouter…

Parfois la lecture était interrompue pour longtemps par des plaisanteries, des rires, d’innombrables anecdotes que Tourguéniev déversait aux heures de bonne humeur: il était le premier à en rire et faisait rire les autres; parfois, pendant la lecture, il parcourait sa nombreuse correspondance ou s’asseyait près du chevalet de Claudie et suivait le mouvement de son pinceau.

On peut voir actuellement dans ce cabinet une impressionnante bibliothèque Napoléon III par le sculpteur Mazarov, le bureau authentique de Tourguéniev, une table « russe », le coin d’artistes de Claudie, ainsi que son magnifique portrait par Emile Lévy, et ceux de ses parents.

La chambre de Tourguéniev a été reconstituée, d’après un dessin de Claudie Chamerot, par M. Joël Bernard, professeur de l’atelier de tapisserie de l’Ecole Boulle, et deux de ses élèves, Catherine Mangou et Denis Kuster. (Voir Cahiers Ivan Tourguéniev, n°4 et n°7).

PREMIER ÉTAGE

par | 27 Sep 2003 | 0 commentaires

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REZ-DE-CHAUSSEE

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Grâce au fruit de nos recherches, nous avons décidé d’évoquer pour les visiteurs la vie et l’œuvre de l’écrivain, ses liens avec l’élite littéraire et artistique en Russie et en Europe, et de reconstituer, là où c’était possible, l’atmosphère dans laquelle il a vécu ses huit dernières années dans sa maison de Bougival.

Historique de la propriété « Les Frênes »

Historique de la propriété « Les Frênes »

Le domaine de la Chaussée appartenait depuis le début du XVIIIe siècle à la famille De Mesmes. L’impératrice Joséphine en avait fait l’acquisition le 26 mai 1813 ; puis c’est la duchesse de Saint-Leu, sa fille, qui devint propriétaire de la terre de la Chaussée, le 22 juin 1815.