On pourrait penser que les célèbres poupées gigognes, les matriochkas, remontent très loin dans l’histoire de l’art populaire russe. Il n’en est rien et leur célébrité est comme une marque symbolique du prodigieux développement économique et culturel de la Russie à la fin du XIXème siècle.
Elles sont apparues en un temps de prise de conscience de l’identité nationale russe, en particulier à travers le développement de la vie artistique. C’était le temps des grands marchands et industriels mécènes et collectionneurs, les Morozov, Tretiakov et Mamontov.
C’était le temps de la découverte de la valeur artistique de l’icône russe. Un des frères Mamontov, Anatole Ivanovich, possédait un atelier de fabrication de jouets à Moscou, où l’on réalisait en particulier des poupées en costume populaire.
…Le serveur posa mon bortsch sur la table et sourit à Sacha, qui jouait à côté de moi avec la poupée en bois, la matriochka. De son ventre, il sortit une ronde paysanne. La petite poupée fut à son tour aussitôt démontée, et de son ventre sortit – surprise prévisible – une autre encore plus petite. Le père de Sacha, qui pendant tout ce temps avait observé son fils en souriant, me regarda et me dit : « Quand vous serez à Moscou, achetez une matriochka en souvenir. C’est un jouet typiquement russe ».
Nombreux sont les Russes qui ignorent que ce jouet « typiquement russe » ne fut fabriqué en Russie qu’à partir de la fin du dix-neuvième siècle, d’après d’anciens objets japonais. J’ignore seulement quelle poupée japonaise peut bien avoir servi de modèle à la matriochka. Peut-être une kokeshi, cette poupée dont ma grand-mère m’a parlé un jour : il y a très longtemps, à l’époque où les habitants de son village vivaient dans une profonde misère, il arrivait que des femmes tuent leurs enfants aussitôt après la naissance pour éviter de devoir mourir de faim avec eux.
Pour chaque enfant tué, on fabriquait une kokeshi, ce qui signifie l’enfant-supprimé, pour qu’on n’oublie jamais qu’elles avaient survécu aux dépens des enfants.
À quelle histoire la matriochka pourra-t-elle être associée, plus tard? Peut-être à l’histoire du souvenir de voyage, quand les humains ne sauront plus ce qu’est un souvenir.
… »A Moscou, j’achèterai une matriochka », dis-je au père de Sacha. Sacha sortit la cinquième poupée et essaya de la démonter aussi. « Non, Sacha, c’est la plus petite, s’écria son père. Maintenant, il faut que tu les remettes l’une dans l’autre ».
Le jeu reprit alors en sens inverse. La plus petite poupée disparut dans celle de taille supérieure, cette dernière dans la suivante et ainsi de suite.
Ce cours extrait de « Narrateurs sans âmes » de Yoko Tawada résume brièvement l’origine de la matriochka, cette petite poupée traditionnelle en bois peint réalisée par des artistes russes.
Les matriochkas sont habituellement composées de 3 à 10 pièces, parfois plus.
Toutes les poupées ont une base en bois de tilleul le plus souvent, un bois tendre qui ne se fendille pas avec le temps, elle est toujours peinte à la main. Une seule pièce de bois permet la découpe de l’ensemble. Par exemple dans une série de 10 pièces la plus petite ne mesure que 7 mm.
Il y a longtemps les matriochkas représentaient la famille. On pouvait voir sur chaque pièce un membre de la famille ou des fleurs avec des couleurs traditionnelles, vert, jaune et bleu. De nos jours, on trouve des matriochkas classiques avec des motifs de fleur. Les matriochkas modernes ont des dessins plus fins. Les personnages sont représentés avec des costumes traditionnels et s’inspirent parfois de contes russes.
Où peut-on acheter des matriochkas?
– En Russie bien sûr 😉 sur les marchés artisanaux !
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