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L’historien du goulag Dmitriev condamné à trois ans et demi de prison

L’historien russe Iouri Dmitriev, connu pour ses recherches sur les disparus de la terreur stalinienne, a été condamné hier à trois ans et demi de prison pour « violences sexuelles », une peine relativement légère dans une affaire accusée de viser son travail de mémoire.

Cette condamnation, considérée par les soutiens de M. Dmitriev comme une quasi-victoire alors que le parquet avait requis 15 ans de prison, a été accueillie par des applaudissements devant le tribunal de Pétrozavodsk, où l’historien était jugé. Compte tenu de son temps passé en détention préventive, il devrait sortir de prison dès novembre.

« Iouri (Dmitriev) a réagi très positivement à ce verdict. C’est une personne très résistante, il sait qu’il n’est pas coupable », a déclaré son avocat Viktor Anoufriev devant la salle d’audience, saluant un résultat « positif » et notant que le parquet ne semblait pas vouloir faire appel. L’historien de 64 ans a passé près de 30 ans à dresser la liste de 40 000 noms de personnes déportées ou exécutées sous Staline en Carélie, une région russe frontalière de la Finlande. Chef de la branche locale de l’ONG Memorial, spécialisée dans la documentation des crimes soviétiques, il avait été arrêté une première fois en 2016, accusé d’avoir réalisé des images « pornographiques » de sa fille adoptive.

Il avait ensuite été acquitté en avril 2018, un fait extrêmement rare dans le système judiciaire russe. Mais la Cour suprême de Carélie avait cassé cette décision deux mois plus tard et ordonné un second procès à huis clos, cette fois pour « violences à caractère sexuel sur mineur ». Pour ses partisans, cette affaire n’est qu’une tentative des autorités d’intimider et de faire taire M. Dmitriev, dont les recherches ne cadrent pas avec le discours officiel russe de réhabilitation de l’époque soviétique. « Ce verdict a deux facettes : la première, c’est que Iouri sera bientôt libre. Mais ce verdict, malgré sa légèreté, n’est pas juste », a réagi un des dirigeants de Memorial, Ian Ratchinski, estimant que le tribunal avait permis aux autorités russes de sauver la face.

« Réécrire l’histoire »

Anatoli Razoumov, un historien qui s’était déplacé à Pétrozavodsk avec plusieurs dizaines d’autres défenseurs de M. Dmitriev, a, lui, estimé que « la société civile et le soutien à Dmitriev » avaient permis d’éviter une peine trop lourde. Ces dernières années, Iouri Dmitriev a été à l’origine de la découverte de l’un des plus grands charniers de Carélie, à Sandarmokh, où les restes de 7 000 à 9 000 personnes exécutées à l’époque stalinienne ont été retrouvés. Des découvertes allant à contre-courant du discours officiel, sur fond de guerre mémorielle visant à revaloriser la période soviétique. Une organisation chapeautée par le pouvoir a ainsi entrepris des fouilles à Sandarmokh pour démontrer qu’une partie des corps découverts par M. Dmitriev étaient ceux de soldats soviétiques exécutés par les Finlandais entre 1941 et 1944. De nombreuses personnalités russes et étrangères avaient dénoncé des poursuites injustifiées visant Iouri Dmitriev, appelant, à l’image de Natalia Soljenitsyna, veuve du dissident soviétique et Prix Nobel de littérature Alexandre Soljenitsyne, à lutter contre la « falsification » historique. Autres Prix Nobel, les écrivaines biélorusse Svetlana Alexievitch et allemande Herta Müller avaient, dans une lettre au Conseil de l’Europe, estimé que les découvertes de M. Dmitriev à Sandarmokh étaient un « os dans la gorge des autorités » qui, selon elles, cherchent à « réécrire l’histoire ». Dans sa déclaration avant le verdict, Iouri Dmitriev a notamment justifié ses fouilles, à ses yeux extrêmement importantes pour la mémoire russe.

« Mon chemin, ma route est de ramener de l’oubli ces gens qui ont disparu par la faute d’un gouvernement de notre patrie, injustement accusés, exécutés, enterrés dans des bois comme des animaux », a-t-il déclaré, selon le texte publié par le site d’information Meduza. « La force d’un État ne réside pas dans ses tanks et ses pistolets, dans ses bombes nucléaires (…) Non, la force d’un État réside dans son peuple. »

L’historien du goulag Dmitriev condamné à trois ans et demi de prison

par | 23 Juil 2020 | 0 commentaires

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