laroslavl, la plus ancienne des villes de la région de la Volga, a près de 1000 ans. En l’an 1010 laroslavl le Sage fonda au confluent de la Volga et de la rivière Kotorosl, dans le «Coin des Ours», une petite ville fortifiée. Selon la légende le prince tua un ours avec une hache dans ce coin perdu. L’ours était le totem de la population locale et par la suite il est entré dans le blason de la province.
Le XVIIe siècle fut une période d’épanouissement pour laroslavl. C’est alors que l’on construisit les ensembles architecturaux qui en font une des plus belles villes de l’ancienne Russie, la plus riche en fresques et décors en carreaux de faïence. Le panorama de la ville est magnifique en venant de Moscou. Les murs blancs et les tours du monastère de la Transfiguration-du-Sauveur (Spass-Préobrajenski) contrastent avec les coupoles
dorées de sa cathédrale du XVIe siècle. L’église de l’Epiphanie aux lignes élancées et aux murs ornés de carreaux de faïence multicolores comme de pierres précieuses retient tout particulièrement l’attention. Il reste encore dans le monastère quelques édifices du XVIe en plus de la cathédrale: le clocher à arcades qui a été remanié, la Porte-Sainte avec un beffroi et le bâtiment du Réfectoire qui était utilisé pour les réceptions d’apparat parce qu’il était le plus grand et le plus confortable. Au siècle suivant on construisit les murs et les tours de l’enceinte et à l’intérieur, les
Appartements du Supérieur du monastère et les Cellules où habitaient les moines.
A côté du monastère on peut voir toute une série d’églises remarquables. Sur la berge de la rivière Kotorosl. là où jadis s’élevait la demeure
princière, se dresse maintenant la monumentale église de l’Archange-Saint-Michel. C’était la limite du kremlin et près du fossé, au-delà des remparts, commençait le quartier du commerce où les habitants de la bourgade érigèrent l’église du Sauveur «dans la ville». Les fresques qui décorent ses murs sont intéressantes par la variété des sujets historiques traités. Un peu plus haut, toujours sur la rive, se dresse l’église de Saint-Nicolas-Roubleny dans la ville fortifiée de murs en bois (en russe roubleny signifie coupé en parlant d’un arbre) et c’est de là que vient le nom de cette église très simple et presque dépourvue d’ornementation. Mais ses proportions sont très bien choisies. Son petit clocher, s’élève, effilé, vers le ciel. Le caractère lyrique de cet édifice se répète dans de nombreuses églises de la région de laroslavl. Plus loin encore on voit une église consacrée, elle aussi, à saint Nicolas. Il faut dire que laroslavl possède une dizaine d’églises dédiées à ce saint: la ville vivait de la rivière et du commerce et son patron était saint Nicolas. Elle fut construite en 1622, avant toutes celles qui ont été mentionnées ci-dessus, par un très riche marchand, Nadéï Svietiechnikov dont les commis voyageaient de Pskov à laroslavl et d’Astrakhan à Mangazeïa. Par la suite l’église prit aussi son nom et devint Saint-Nicolas-Nadeïn (c’est-à-dire de Nadeï). Son plan et la composition de ses volumes servirent de modèle à beaucoup de constructions plus tardives. A l’intérieur on peut voir des peintures magnifiques du célèbre peintre Lioubim Aguéïev de Kostroma.
L’église de la Nativité avoisinante est également en forme de cube sur quatre piliers, avec deux chapelles et une galerie. Elle fut bâtie par une famille de négociants du nom de Gouriev dont une ville porte le nom sur la mer Caspienne. Ils commerçaient avec Boukhara et Samarkand: ils transportèrent le soleil du Sud, le vert émeraude et la turquoise vif des minarets dans la région de la Volga du nord, sur les murs de l’église de la Nativité. Après la construction de cette dernière les motifs en carreaux de faïence multicolore, jusqu’alors inconnus, devinrent un des traits caractéristiques des églises de laroslavl. La plus importante de toutes est celle du Prophète Élie. Elle se trouve sur la place au centre de la ville et ferme la perspective des rues rayonnantes. Ses façades décorées de carreaux de faïence sont magnifiques. Les peintures anciennes qui couvrent ses murs et ses voûtes en font un musée d’une richesse extrême. Ces fresques ont été exécutées par de grands peintres de laroslavl: Gouri Nikitine et Sila Savine. Cinquante ans plus tard un artiste de laroslavl lui aussi ornera de fresques le narthex de l’église. Et trois siècles n’ont
pas endommagé ces peintures admirables qui figurent parmi les trésors de la ville.
Au nord de laroslavl, au milieu de barrières branlantes et de ronces se dressent les églises jumelées de Saint-Nicolas-Mokry et de Tikhvine. Les pyramides à facettes qui surmontent leurs parvis, les corniches, les encadrements des fenêtres et les trumeaux sont revêtus de céramique en couleur avec un luxe surprenant même pour laroslavl. Mais cette église a des rivales.
Le matin et le soir. très haut au-dessus de la Volga la silhouette d’un groupe de bâtiments anciens se détache sur le fond du ciel: deux églises, un
mur avec une porte et un clocher. C’est l’ensemble du quartier de Korovniki construit en 1654 et qui à la fin du XVIIe siècle a été recouvert aussi de
riches motifs colorés qui ne cèdent en rien à ceux de Saint-Nicolas-Mokry.
De l’autre côté de la rivière Kotorosl on voit encore un groupe d’églises. Parmi elles se trouve la célèbre église de Toltchkovo. De loin il semble
qu’elle a trois coupoles et de près on a la surprise d’en compter quinze, rassemblées en un «bouquet» original sur leurs tambours minces et hauts. Le décor de l’édifice est très riche: c’est une combinaison rare de motifs en brique, de céramique glacée et de peinture. Il y en a partout: sur les
embrasements des fenêtres, les volets, les portes, les frontons du parvis.
A gauche de Toltchkovo, sur la colline de Tougovo, on construisit une église à une coupole dédiée à Paraskieva Piatnitsa à l’emplacement des tombes des habitants de laroslavi morts pendant la guerre contre les Tatares. A sa droite se découpe la silhouette admirable de l’église de Saint-Théodore avec ses cinq coupoles. Derrière elle on aperçoit l’église de Saint-Nicolas-Penski et on devine au loin les contours de Saint-Nicolas-des-Moulinets (en russe vmelenkakh) avec ses grosses coupoles recouvertes d’écaillés. La plupart de ces églises renferme des fresques. On peut en voir aussi dans la cathédrale de la Présentation-de-la-Vierge au monastère de Tolgski qui date du XIVe siècle. En fait la cathédrale est plus tardive, elle date du XVIIe comme les trois autres bâtiments du monastère: l’énorme clocher, le Réfectoire et l’Hospice. Il n’y a pas de constructions plus anciennes ici car elles n’ont pas résisté au temps. Dans l’ancienne Russie les monastères étaient aussi des forteresses et des «banques». Leurs activités ne se limitaient pas seulement aux hôpitaux et hospices pour vieillards et enfants abandonnés, mais aussi elles comprenaient des écoles. Les moines tenaient des chroniques. Les archives des monastères ont longtemps conservé pour nous l’histoire de notre patrie.
A la fin du XVIIIe siècle à Moscou on apporta au célèbre archéologue A. Moussine-Pouchkine un lot de parchemins et de livres poussiéreux et couverts de moisissures. En déchiffrant les lignes d’un parchemin du XVe siècle Moussine-Pouchkine comprit qu’il avait devant lui une copie d’un récit encore plus ancien: le copiste de l’époque d’Ivan le Terrible en comprenait déjà mal la langue et l’avait remanié à sa façon. Il s’agissait du fameux manuscrit du Dit de la Bataille d’Igor.
De nos jours la ville qui a donné à la Russie ce monument de sa littérature ancienne se développe rapidement, mais le vieux centre demeure
inchangé: les urbanistes construisent les nouveaux quartiers de telle sorte qu’ils ne bouchent pas la vue et permettent d’admirer les monuments historiques.
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