Scandale électoral au Primorie

‘Après la décision de la cour régionale de Justice du Primorie de retirer le candidat Victor Tcherepkov de la course électorale, il est dorénavant clair que les élections en Russie sont un combat qui ne suit plus aucune règle’ écrit le journal Vremia Novosteï.

Deux jours avant le deuxième tour des élections du gouverneur au Primorie, l’ancien maire de Vladivostok, Victor Tcherepkov, arrivé en seconde position au premier tour après l’homme d’affaires, Sergueï Darkine, a été retiré de la course pour s’être exprimé sur l’antenne d’Ekho Moskvy sans avoir signalé cette intervention dans ses frais de campagne. La radio Ekho Moskvy rappelle que ce temps d’antenne a été offert gratuitement aux deux candidats du deuxième tour.

Cependant, cette accusation, qui pourrait s’appliquer à tout candidat de n’importe quelle élection en Russie, a peu d’importance. Victor Tcherepkov avait été ouvertement désigné par le Kremlin comme un candidat inadmissible pour prendre les rênes du pouvoir au Primorie. En le retirant de la course par une procédure judiciaire grotesque, les représentants de « la verticale du pouvoir » permettent au candidat du Kremlin, Guennadi Apanasenko, arrivé en troisième position au premier tour, de reprendre la campagne. Cependant, ce dernier, adjoint du représentant du Président dans la région d’Extrême-Orient, a peu de chances de l’emporter ; peu populaire, il n’avait obtenu que 14% des suffrages contre 24% à Sergueï Darkine au premier tour. Dans ce contexte, la plupart des observateurs s’accordent pour estimer que les élections qui doivent avoir lieu dimanche 17 juin au Primorie risquent d’être annulées. Victor Tcherepkov a l’intention de faire appel de cette décision de justice ; s’il obtient gain de cause, les élections seront annulées. Par ailleurs, après le retrait de la candidature de Victor Tcherepkov qui bénéficie d’une assez grande popularité, le vote contestataire (en Russie, les bulletins de vote prévoient une case avec la mention « contre tous ». Si ce vote emporte plus de suffrages que les candidats inscrits, les élections sont annulées) pourrait l’emporter, ce qui impliquerait un report des élections en décembre prochain. L’hypothèse de l’annulation semble être partagée par les trois acteurs principaux du scandale. Victor Tcherepkov s’indigne : « Dans ce pays, il n’y a ni Président, ni Constitution, ni droits constitutionnels. Le scénario destiné à empêcher ma participation aux élections a été imaginé à Moscou. Une nouvelle fois, les représentants du Centre fédéral ont répété les mêmes erreurs, des erreurs qui se retournent contre le Président.

A son tour, ce dernier semble ne rien voir et ne rien entendre… ». Sergueï Darkine s’élève également contre la décision de justice : « C’est une tentative de sabotage des élections » organisée selon lui par les partisans de Guennadi Apanasenko : « L’absence de pouvoir au Primorie leur est profitable puisqu’elle leur permet de rester au pouvoir encore 6 mois ». En effet, en cas d’annulation des élections, l’équipe actuelle resterait au pouvoir sous la surveillance de l’adjoint au représentant du Président, Guennadi Apanasenko.

Quant à ce dernier, il accuse Sergueï Darkine d’être l’auteur du scandale judiciaire : « J’ai été floué ; dorénavant je ne peux plus retirer ma candidature et je n’ai plus le temps de mener une campagne normale en deux jours » déclare Guennadi Apanasenko.

« L’utilisation de la législation comme instrument de la lutte politique et économique est devenue une règle en Russie » écrit le journal Vremia Novosteï. « La tentative des fonctionnaires du Kremlin de contrôler les masses et de diriger le vote des électeurs en se servant de l’appareil administratif a pris un aspect tellement évident dans le « laboratoire politique » du Primorie que même les plus naïfs ne devraient plus douter. Dorénavant, le destin du pouvoir au Primorie comme dans les autres régions ne sera pas défini par les électeurs au cours d’une procédure démocratique mais par des fonctionnaires non élus et par des procédures qui n’ont rien à voir avec la Démocratie ». Un député de la Douma régionale, Sergueï Solovev, tire la leçon de ce nouvel épisode dans la lutte pour le pouvoir au Primorie : « Nous espérions qu’avec l’arrivée du nouveau Président et le départ de l’ancien gouverneur, Evgueni Nazdratenko, la période d’arbitraire au Primorie cesserait. En réalité, rien n’a changé. En septembre 1998, Victor Tcherepkov avait été rayé de la liste des candidatures au poste de maire de Vladivostok pendant la nuit précédant les élections. Les habitants avaient alors voté contre tous. Il est peu probable que les initiateurs de la décision de justice espèrent la victoire du peu populaire Apanasenko. Dans ce contexte, ils comptent de nouveau sur le vote contestataire des électeurs. On montre à la population que l’on ne devient pas gouverneur à la suite des élections. Ces élections ne sont qu’un paravent démocratique pour légitimer le choix qui a été fait dans les arcanes du pouvoir ».

Novye Izvestia, Kommersant, Vremia Novosteï 15-06-01

Scandale électoral au Primorie

par | 15 Juin 2001 | 0 commentaires

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