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L’URSS des cinéastes

Le centenaire de la révolution d’Octobre donne l’occasion d’une grande traversée de l’histoire du cinéma soviétique, à rebours de la perception habituelle d’un art monolithique. Les réalisateurs ont su saisir certains aspects de la réalité invisible du pays, se souvenant d’une révolution qui avait promis un bouleversement de l’existence même.

RÉVOLUTIONS

On n’a plus tant d’occasions de célébrer une révolution – mot qui fait encore scandale, tout récemment dans la presse britannique, à l’occasion d’une exposition consacrée aux avant-gardes soviétiques – et avec 1917 il y a deux anniversaires pour le prix d’un : Février et Octobre, sans oublier l’autre face : les quatre-vingts ans de la Grande Terreur de 1937. Une manière de marquer ces dates devrait être de traiter le cinéma, non comme simple illustration de la « grande histoire », mais comme un art de plein droit, dans toute sa force de révélateur.

LES CINÉASTES COMME ARTISTES

Aspect souvent négligé, c’est un cinéma de cinéastes. Cela tient aussi bien à un respect traditionnel de la Russie pour les artistes qu’aux droits accordés au réalisateur, considéré comme un auteur par la loi soviétique, et enfin à ce que le producer à l’américaine n’y existait pas. Le réalisateur se trouvait premier responsable d’un film. Ce qui l’exposait en premier lieu à une censure politique brutale et à toutes les formes de harcèlement, mais lui donnait plus de pouvoir sur la production. Il était plus facile d’interdire que de remplacer un metteur en scène en cours de tournage. À côté des quatre grands classiques – Eisenstein-Poudovkine-Dovjenko-Vertov – il faut penser une autre configuration, dont les intéressés n’avaient pas conscience : écrire l’histoire des cinéastes à partir de Donskoï, Barnet, Ermler, Raïzman ou Abram Room, revoir les grands films oubliés qu’Henri Langlois programmait rue d’Ulm : Les Souliers percés, La Dernière nuit, La Jeunesse de Maxime, la trilogie de Gorki, L’Institutrice de village, La Maison des morts, Les Paysans, Le Tournant décisif, Au bord de la mer bleue.

Le cinéma soviétique ne sort pas du néant. Avant 1917, c’était une industrie développée. Il y avait un public et des cinéastes russes. Koulechov a fait son apprentissage avec le meilleur d’entre eux, Evguéni Bauer. Le cinéma traditionnel continue d’exister, avec ses réalisateurs comme Protazanov quand il revient d’exil (Aélita), et ceux qui prennent la relève, les Jeliaboujski (La Vendeuse de cigarettes du Mosselprom), Taritch (Ivan le terrible), Ozep (Passeport jaune), Petrov-Bytov (Caïn et Artem) ou Eggert (La Noce de l’ours, d’après Lokis de Mérimée). L’intervention étrangère et la guerre civile détruisent l’industrie. Une très jeune génération fait irruption, avec les actualités où Dziga Vertov fait ses débuts. Certains, Koulechov ou Kozintsev, n’ont pas vingt ans lors de leur premier film. Ils s’imposent dans le documentaire et bientôt la fiction, créent des ateliers et un enseignement, assurant l’avenir.

Après la nationalisation du 27 août 1919, il faudra longtemps – les années 1920, pas moins – pour qu’un cinéma étatisé fonctionne. Avant ses deux commandes commémoratives (Le Cuirassé Potemkine, Octobre), Eisenstein a tourné La Grève avec le Proletkult, organisation culturelle prolétarienne mal vue par le pouvoir. Le studio Mejrabpom, semi-privé jusqu’en 1928, accueille aussi bien le jeune vétéran Ozep et le débutant Barnet, qui réalisent ensemble Miss Mend, que Protazanov (Le 41e, Don Diego et Pélagie) et Poudovkine (Tempête sur l’Asie)…

Bernard Eisenschitz

LES FILMS

Cette programmation, conçue avec les conseils de Naoum Kleiman, Peter Bagrov et Pierre Léon, couvre vingt-cinq ans, de la fin de la guerre civile à celle de la Seconde Guerre mondiale. Elle se conclura en décembre, et se poursuivra en 2018 pour les années 1946 à 1992.

– Aerograd Alexandre Dovjenko / URSS / 1935 Je 19 oct 21h30 Sa 11 nov 16h15
– Alexandre Nevski Sergueï M. Eisenstein / URSS / 1938 10 Di 26 nov 14h30
– Au bord de la mer bleue Boris Barnet / URSS / 1935 Sa 25 nov 16h00
– Dernière nuit (La) Iouli Raïzman / URSS / 1936 Je 2 nov 19h30 Sa 4 nov 18h30
– Deux combattants Leonid Loukov / URSS / 1943 Lu 23 oct 17h00 Sa 11 nov 14h30
– Don Diego et Pélagie Iakov Protazanov / URSS / 1927 Sa 21 oct 17h00 Je 26 oct 21h45
– Eh, petite pomme Leonid Obolenski, Mikhaïl Doller / URSS / 1926 Me 25 oct 19h00
– Elisso Nikolaï Chenguelaïa / URSS / 1928 Sa 4 nov 21h00 Je 16 nov 20h30
– Erreur de l’ingénieur Kotchine (L’) Alexandre Matcheret / URSS / 1939 Di 26 nov 17h00

L’URSS des cinéastes

par | 21 Sep 2017 | 0 commentaires

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