Natif de Berditchev en Ukraine, Vassili Grossman (1905 – 1964) fait des études de chimie à l’université de Moscou. Devenu ingénieur dans le Donbass, il décrit la vie des mineurs avant la révolution dans sa première nouvelle datée de 1934.
Si Grossman écrit d’abord en suivant les canons du « réalisme socialiste », c’est qu’il appartient à cette génération qui adhère complètement au stalinisme. La guerre bouleverse la perception que l’écrivain a de l’URSS. Une nouvelle source se fait jour dans son oeuvre. L’extermination du judaïsme européen et l’essence profondément totalitaire du régime envahissent peu à peu sa conscience.
Un correspondant de guerre qui combat pour la vérité
Lorsque le second conflit mondial éclate, Vassili Grossman devient correspondant de guerre et vit les heures sombres et la gloire de l’Armée rouge. A Stalingrad, il partage, en première ligne, la vie des combattants (Stalingrad, choses vues, 1945). Cet épisode majeur inspirera son chef-d’œuvre, Vie et Destin (1952). Avec Ilya Ehrenbourg et toute une équipe, il entreprend de recueillir les témoignages sur les grands massacres de 1941 par les Einsatzgruppen marchant sur les arrières de la Wehrmacht. Travail éperdu qui l’amène à découvrir l’horreur de Treblinka, 1945).
Grossman dépose son roman « Vie et Destin » à la revue Znamia. Le rédacteur en chef le transmet au KGB qui perquisitionne chez Grossman et saisit les exemplaires tapés à la machine, les brouillons et même les rubans et les carbones. Une version du manuscrit – microfilmée par Andreï Sakharov – parviendra en Occident et sera publiée en 1980. Vassili Grossman meurt à Moscou le 15 septembre 1964.
« Quand je pense maintenant à la dékoulakisation, je vois tout d’une autre façon, je ne suis plus envouté et puis j’ai vu les hommes à
l’œuvre. Comment ai-je pu avoir ce cœur de pierre? Comme ils ont souffert ces gens, comme on les a traités ! Moi, je disais : ce ne sont pas des êtres humains, ce sont des koulaks. Et plus j’y pense, plus je me demande qui a inventé ce mot : les koulaks (…) Pour les tuer, il fallait déclarer : les koulaks, ce ne sont pas des êtres humains. C’est ce qu’ont dit Lénine et Staline : les koulaks, ce ne sont pas des êtres humains. Mais ce n’est pas vrai, c’étaient des hommes, c’étaient des hommes ! Voilà ce que j’ai compris peu à peu. Nous sommes tous des êtres humains ».
Tout passe, 1964, Éd. L’Âge d’homme.
« L’homme, condamné à l’esclavage, est esclave par destin et non par nature. L’aspiration de la nature humaine vers la liberté humaine est invincible, elle peut être écrasée, mais elle ne peut être anéantie. (…) L’homme ne renonce pas de son plein gré à la liberté. Cette conclusion est la lumière de notre temps, la lumière de l’avenir. »
Vie et Destin, 1952, Éd. L’Âge d’homme.
0 commentaires